Barfleur (50)

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“Port suffisamment mouvementé, bordé de belles et pures architectures… La mer y est belle, les jardins fleuris, à quelques mètres de la mer, mimosas, plantes du Midi…” Ainsi parle Paul Signac en 1930. Le peintre habita juste en face de l’église de 1932 à 1935, avec la mer tout autour et l’atelier au fond du jardin. Bien d’autres artistes, dont Jules Renard, furent séduits par l’austère harmonie de ce petit village, où le beau granite gris de la pointe de Barfleur s’égale, de-ci, de-là, des quelques arbres exotiques que permet la douceur du climat. Plus de soixante-dix ans après, rien n’a changé. Les maisons de pêcheurs sont toujours arc-boutées derrière l’église trapue à l’allure de forteresse et qui semble braver la mer. Certaines heures, le port paraît bien tranquille… Deux fois par jour, c’est pourtant l’effervescence. Lorsque chalutiers et mouliers débarquent leur pêche, la fameuse Blonde de Barfleur, la savoureuse moule de mer sauvage, et les cargaisons de crustacés. Des grappes d’enfants s’invitent sur les barques, les femmes vérifient les palettes et les marins s’interpellent d’un bateau à l’autre, le tout finissant en chansons de mer dans les tavernes du port.

De l’ancienne capitale des rois anglo-normands, premier port de Normandie au Moyen-Âge, ne reste dans l’entrée du port qu’un monument rappelant le naufrage de la Blanche-Nef, dans lequel périrent les petits-fils de Guillaume le Conquérant et leurs compagnons qui rejoignaient l’Angleterre. Le brillant duc était lui-même parti de Barfleur à la conquête de l’Ile en 1096 – la tradition veut que son vaisseau soit sorti des chantiers du bourg -, et de Barfleur encore, Richard Cœur de Lion s’embarqua en 1194, avec cent gros vaisseaux, pour aller se faire couronner roi d’Angleterre.

Longtemps le port resta privilégié pour ses relations avec l’outre-Manche et très actif pour le cabotage et la pêche. La navigation de plaisance est venue relayer ses activités traditionnelles en déclin depuis le milieu du XXe siècle. Le village vit encore cependant au rythme du port, et les fêtes de la Bénédiction de la mer, début juillet, traduisent bien l’attachement de ses habitants à la mer.

S’il ne reste quasiment aucun vestige du Barfleur médiéval, rempart et citadelle ayant disparu, le bourg est pourtant devenu une escale incontournable des promeneurs du Cotentin et le point de départ des chemins de Saint-Michel et de la route des Plantagenêts.

On pénètre dans la cité par la large rue Saint-Thomas, bordée de solides maisons en granite et aux toits de schiste bleu typiques du nord-Cotentin, fréquemment percés de belles lucarnes et agrémentées de poteries. Il faut pousser les portes cochères, qui ouvrent sur de larges cours intérieures -le plus bel exemple étant certainement la cour Sainte-catherine, minuscule place entourée de maisons anciennes. Ouvertures en plein cintre au rez-de-chaussée, balcons de fer forgé en composition pyramidale, décoration de mascarons… Les Barfleurais ont répété à l’envi une architecture sobre et régulière. Beaucoup de façades ont été noircies par le temps ; certaines sont en pleine rénovation. Cependant, le charme opère toujours et les souvenirs des fastes anciens surgissent au coin des longues rues silencieuses.

Barfleur (50)

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