Parler de « vieillissement pathologique » sous-entendrait que la maladie d’Alzheimer serait une accentuation des processus de « vieillissement normal », accompagnant inéluctablement l’avancée en âge. Cette analyse est-elle juste ?
La tentation est forte de penser ainsi en relevant les observations faites dans le cerveau post-mortem de personnes non atteintes cliniquement de maladie. Il existe bel et bien les mêmes types de lésions, à savoir les plaques séniles et les dégénérescences neuro-fibrillaires. Mais d’une part, ces lésions sont amplement moins nombreuses dans la maladie d’Alzheimer, l’augmentation du nombre de plaques séniles et l’amplification de la dégénérescence neurofibrillaire est remarquable. D’autre part, elles ne touchent pas les mêmes structures cérébrales. Dans la maladie d’Alzheimer, les circuits les plus vulnérables sont ceux qui sous-tendent les fonctions mnésiques impliquant le cortex entorhinal – carrefour des informations sensorielles – et l’hippocampe – lieu de mise en mémoire et de renforcement mnésique. Cette destruction progressive du tissu cérébral explique en grande partie les symptômes de détérioration cognitive.
Comme son nom l’indique, la maladie d’Alzheimer est une maladie à part entière qui vient barrer le chemin du vieillissement naturel.
Une maladie déclenchée par quoi ?
On ne connaît pas la cause déclenchante. Il est probable qu’elle résulte d’une constellation de facteurs de nature génétique et environnementale.
Les facteurs de risque vont augmenter la probabilité d’entrer dans la cascade pathologique du vieillissement cérébral. Parmi les facteurs de risque identifiés, on distingue ceux qui existent, mais sur lesquels il n’est pas possible d’agir : l’âge, les antécédents de maladie d’Alzheimer, certains facteurs génétiques. Et ceux sur lesquels il est possible d’agir : risque cardio-vasculaire (hypertension artérielle, artériosclérose, sténose carotidienne, fibrillation carotidienne), la composition de l’alimentation (notamment richesse en poisson et composés antioxydants), le niveau socioculturel et le niveau d’études (au sens large, activité intellectuelle et cognitive). L’avancement en âge représente un facteur de risque réel (« age related ») dans la survenue d’une MA. La maladie d’Alzheimer n’est donc pas une finalité ultime du vieillissement cérébral, mais le vieillissement en est l’un des facteurs de risque principaux. La maladie d’Alzheimer n’est pas une simple accentuation du vieillissement normal physiologique, mais un processus pathologique pour lequel le vieillissement est un facteur de risque.
Maladie d’Alzheimer, une maladie génétique ?
Des formes familiales de maladie d’Alzheimer sont décrites. Elles sont heureusement très rares (entre 5 et 10% des cas). Cette transmission est reliée à des mutations sur des chromosomes qui ont été identifiés (chromosomes 21, 14, 1, 12).
Dans la majorité des cas, il n’y a pas de transmission familiale. On est en présence de la forme sporadique de la maladie, forme la plus répandue, entre 90 et 95% des cas.
Dans ce cas, la génétique n’est pas un facteur causal mais un facteur risque. On parle alors de prédisposition génétique. Elle a été décrite pour un gêne codant pour une protéine nommée apolipoprotéine E, qui participe au transport des lipides. Un accroissement du risque de développer une maladie d’Alzheimer a été décrit pour une expression génotypique de ce gêne. Il s’agit seulement d’un contexte de prédisposition génétique. On ne peut pas par conséquent envisager un dépistage systématique de la maladie centré sur la présence ou non du génotype de l’apoE !